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12/01/2012

Les « entreprises récupérées » d'Argentine



En 2001, la dette extérieure de l'Argentine se monte à 132 milliards de dollars. Après le refus par le FMI d'un prêt de 1, 264 milliard, l'économie s'effondre : des centaines d'entreprises font faillite et des milliers de salariés manifestent leur colère. Le taux de chômage dépasse les 20% et la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
 
Les propriétaires désertent et abandonnent leurs entreprises en dépôt de bilan. Ainsi, les patrons de l'usine de vêtements Brukman. Mais, comme le raconte cette vidéo, ses ouvrières prennent alors possession de l'usine. Dans maints endroits, les travailleurs récupèrent ainsi leur outil de travail sur le mode de l'autogestion, non comme le résultat d'un projet politique pensé mais comme une réponse à une situation d'urgence. Une autre manière de gérer l'entreprise se met en place pour défendre le droit au travail, pour sauvegarder l'outil et redémarrer l'activité.

Les entreprises récupérées – elles sont 200 aujourd'hui et emploient environ 10 000 salariés surtout dans la région de Buenos Aires – doivent leur survie et leur développement au soutien de pans importants de la population et de mouvements sociaux : syndicalistes, professeurs, étudiants, militants assocaitifs, artistes et chômeurs.
 
Le cas le plus connu est celui de l'usine de carrelages ZANON. Après l'abandon par le patron en 2002, 260 des 331 salariés licenciés décident l'occupation du lieu. Malgré sept tentatives d'expulsion, l'usine est remise en marche et fonctionne sur la codécision. L'entreprise devient une propriété sociale où chaque salarié détient une part du capital. L'organisation est horizontale et non pyramidale. Dans les assemblées, chaque travailleur dispose d'une voix. Les salaires sont identiques pour tous les salariés.

Ce système généralisé dans les entreprises récupérées a favorisé une politisation des salariés. Dans la pratique autogestionnaire quotidienne ils ont expérimenté la démocratie participative. Ce qui a fait dire à José Abelli, l’un des fondateurs du Mouvement National des Entreprises Récupérées, « Nous n’avons pas encore la force, ni la capacité pour construire un parti politique mais nous rêvons, qu’avec le temps, les travailleurs puissent confluer dans une expression majoritaire, du style du Parti des Travailleurs au Brésil. Mais aujourd’hui les partis politiques ne nous représentent pas et nous n’allons pas rester les bras croisés ».

Les entreprises récupérées tiennent bon : c’est ce que révèle la troisième enquête du programme « Faculté Ouverte » de la Faculté de Philosophie et de Lettres de Buenos Aires, malgré de nouveaux défis comme celui de l'intégration de nouveaux travailleurs ou l'absence de cadre légal approprié dans un système capitaliste. Si la situation est toujours difficile, les entreprises récupérées, au bout de dix ans, font partie du paysage économique et social de l'Argentine.
 

A voir aussi sur le même sujet :

Le film Vale la pena  (bande-annonce)
Un reportage canadien  
Un documentaire de Avi Lewis et Naomi Klein




L'enquête des lecteurs


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